Station Flottante, itinérances de Cergy à Evry

En savoir plus sur le projet Station Flottante, en itinérance depuis 2019

Contre vents et marées (ou presque), la transhumance de Station Flottante sur les voies fluviales du nord-est francilien s’est tenue à l’été 2020. En mai 2021, Urban Boat et le Collectif MU annoncent la liste des cinq projets résidents embarqués pour la nouvelle édition du projet, à l’issue d’un appel auquel 65 artistes ont répondu.

Amorcé en 2019 avec le Water Camp au Quai du Lot (Paris, 19ème) mêlant workshops avec les étudiants de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris La Villette pour la conception d’un module de filtration des eaux fluviales et tables-rondes autour de l’art écologie, le projet Station Flottante s’est poursuivi en 2020 avec de nouvelles ambitions. Au cœur du projet : une péniche Freycinet de 36 mètres de long, baptisée Urban Boat et affrétée par le lieu culturel berlinois Urban Spree, au bord de laquelle s’embarquent les activités de la Station – Gare des Mines : ateliers radio, tables-rondes et émissions radiophoniques, concerts et DJ sets, expositions. En fil rouge : l’eau comme prétexte à décrypter la relation des artistes à l’environnement dans des contextes variés (villes, zones périurbaines, espaces ruraux…).

Station Flottante fait écho aux projets itinérants du Collectif MU dont Bande Originale sur le Canal de l’Ourcq en 2014, mêlant croisières sonores et parcours sonores géolocalisés, mais aussi European Sound Delta en 2008, résidences en dérive à bord de deux péniches, l’une sur le Danube, l’autre sur le Rhin comme le décrit Annick Rivoire dans son article “MU ou la mémoire sonore de l’eau” : Les deux traversent des paysages européens industriels et sauvages, s’arrêtent ici ou là pour des performances et des croisements artistiques avec les festivals qui parsèment le chemin, de City Sonic à Mons en passant par le Belef à Belgrade, l’Ars Electronica à Linz en Autriche, sans oublier les concerts et lives à distance, qui jettent un pont streamé entre les deux, comme le Placard, le festival au casque ouvert aux performances sur inscription en ligne. Les artistes résidents sont là quelques jours ou plusieurs semaines, enregistrent le son des clapotis ou celui des écluses géantes, sont sonores ou visuels…”

Le déploiement du projet Station Flottante n’a pas été pas un long fleuve tranquille, mis en péril par la crise sanitaire et l’arsenal de nouvelles contraintes. Finalement, c’est sur une itinérance réduite autour de deux étapes en Île-de-France que s’est tenu le projet, d’abord à Aubervilliers non loin du Quai François Mitterrand, dans un no man’s land pris en sandwich entre cimenterie, casse automobile, terrain vague à la lisière d’un campement de personnes en situation d’exil, puis à Pantin à la Place de la Pointe, avant de repartir le long de la Seine pour Vernon (Normandie) et Longueil-Annel (Hauts de France).

A Aubervilliers, une table-ronde réunissait les membres issus des lieux du collectif Soleil Nord Est (DOC, Zone Sensible, les voisins du Houloc et de Collective, Curry Vavart…) qui échangeaient sur les différentes initiatives de réduction des déchets et d’autonomie énergétique. Au terme de celle-ci, une seconde discussion conviait artistes, critiques et commissaires autour d’une création artistique à l’écoute du vivant, avec la présentation du projet d’itinérance expérimental d’Aubervilliers à Évry “A Bord!” (Flavie L.T et Sami Trabelsi), les films contemplatifs de Ouazzani Carrier à l’écoute des mauvaises herbes résistants à l’urbanisation à marche forcée du Grand Paris, la démarche du plasticien Vincent Voillat et sa mise en scène de minéraux portant la mémoire de l’anthropocène, Camille de Toledo à propos du dispositif sensible et juridique du “Parlement de Loire” pensé avec Le POLAU à Tours et une vision panoramique des liens entre création et développement durable par la curatrice Lauranne Germond de l’association COAL. Les échanges décortiquent les ruses et tactiques d’artistes au plus près du vivant et questionnent le rôle de l’artistique entre le politique et le scientifique dans la « guerre des imaginaires » à laquelle appelle Alain Damasio. Dans la cale, les artistes de la table-ronde présentaient leurs films au sein d’une exposition vidéo.

En journée, l’équipe de Radio Thabor, en collaboration avec Emile Palmentier et Radio Campus Paris, a embarqué à bord de la péniche avec une dizaine de jeunes issus de la Maison de l’Enfance Solomon pour une quête de fragments sonores glanés au Houloc, à la cimenterie CEMEX ou encore dans les locaux de l’Atelier Craft.

En parallèle, l’artiste sonore Octave Broutard, membre du collectif Transmissions ayant posé ses valises à La Cassette à Aubervilliers, a embarqué à bord pour une résidence de création radiophonique à l’écoute de cette transhumance urbaine. Pour celui qui n’a pas “mis le pied à terre si ce n’est pour acheter du pain” et qui s’est mis à l’écoute de “tous ces petits bruits qui nous ont accompagnés à bord : l’énorme vrombissement de ce monstre de fer les eaux tranquilles des fleuves”, l’expérience a pris la forme d’une contemplation auditive débouchant sur de longues heures de rushes montées en une “narration sans voix, un paysage sonore abstrait, en déplacement” afin de filer la métaphore de l’onde : “la péniche est énorme, la radio presque immatérielle mais les deux ont en communs de diffuser des contenus artistiques en suivant des ondes”.

Les soirs, entre Aubervilliers et Pantin, se sont succédés sur le pont de la péniche le Gang des Mines, Sydney Valette et ses logorrhées post-punk dépressives, les éclectiques Hydropathes (H-Ur, Demy Molle, Prixl, Maureen), ainsi que Sineli, Terrine, Diggin’ Speakrine, Hakyoon, DJ War, Rouge Gorge et Charlene Darlinng…) tandis que les ondes de canaux Saint-Denis puis de l’Ourcq disparaissaient dans l’heure bleue, secouées alternativement par les danses d’un public en mal de fêtes, les fourmilles dans les jambes, des dérives les yeux fermés, en chaloupant doucement des épaules, ou par le roulis du monstre de fer.

En amont de l’itinérance de Station Flottante sur les canaux grand parisiens, le tiers-média Station Station amorçait rencontres et entretiens au long cours avec curateur·rice·s, artistes et critiques autour des liens féconds entre création émergente et écoute du vivant. Ce processus de recherche a débouché sur un cycle de tables-rondes, de podcasts et d’une série d’articles.

http://stationstation.fr/un-art-ecologique

Pour cette édition 2021, la péniche naviguera en Île-de-France de Cergy-Pontoise à Evry Courcouronnes, en passant par les canaux de l’Ourcq et Saint-Denis, embarquant à son bord ses résidents Raphaël Bastide, Virgile Abela, Nathan Lerat, la plateforme Cycle.s ainsi que le collectif formé par Lola Barrett, Joanne Samson et Fanny Testas. Au terme du parcours, le festival Bellastock accueillera l’Urban Boat non loin du CAAPP pour un ensemble de propositions pensées par le Collectif MU, la webradio Station Station et les résidents du projet. Pour aller plus loin, un podcast enregistré à bord de la péniche en mars dernier :